Je vais aborder aujourd’hui une des difficultés les plus importantes dans la gestion d’un projet Web. Une erreur fréquente consiste trop souvent à assimiler la date officielle de sortie du site à la date de fin de projet. Cette perception est erronée, et elle a des conséquences majeures non seulement sur la qualité du site, mais aussi sur la motivation des équipes. C’est la raison pour laquelle je vous en parle aujourd’hui.
Le fait de considérer la date de sortie d’un site comme l’aboutissement d’un projet web est un travers assez naturel. Les équipes chargées de la production du site sont en effet jugées par leur hiérarchie à cette date et pas forcément sur la phase qui suit, c’est-à-dire celle qui va voir vivre et évoluer le site en question. Par ailleurs, il est beaucoup plus séduisant de concentrer ses efforts sur la création du site, qui est une étape très variée, souvent passionnante et somme toute assez excitante, plutôt que sur la phase de vie du site, qui est nettement moins gratifiante. Et pourtant.
La date de sortie officielle d’un site, toujours fortement attendue, est très souvent décevante pour les acteurs du projet Web. Certes, pour les équipes projet et pour leur hiérarchie qui attend impatiemment une nouvelle version, dont la production dure plusieurs mois, cette date marque effectivement un aboutissement.
En revanche, pour le site en lui-même et pour ses utilisateurs, c’est une date qui marque le début d’une phase encore plus importante. En fait, la date de sortie du site marque le début de la phase de vie, d’ajustement et de production de nouveaux contenus et services.
Quels que soient vos efforts, votre rigueur et votre compétence lors de la phase de création du site, rien ne remplacera le retour des utilisateurs réels du site qui sera disponible en cours de vie du site . Certes, vous pouvez anticiper beaucoup de choses, mais si vous choisissez de proposer à la date officielle de sortie un site complet et parfait, vous courez à l’échec et à la déception.
Le succès d’un service en ligne s’inscrit dans la durée. Quelles que soient l’étendue de vos compétences, le volume et la qualité de vos contenus, les retours et félicitations que vous aurez peut-être lors de la sortie du site ne seront que des phénomènes temporaires, et de bien peu d’importance au regard des années qui suivront cette date de sortie.
C’est en effet au cours des mois et années qui vont suivre la date de sortie du site que vous pourrez montrer que votre site n’est pas un ensemble de contenus ou de services mis en place ponctuellement à une date donnée, mais un ensemble de contenus et services en évolution permanente.
Sur le plan opérationnel, cette optique peut vous conduire à appliquer des règles majeures pour conduire votre projet Web. Et puisque rien ne vaut la recette de cuisine, en voici sept 😉
- Accepter l’imperfection : Comme je l’ai souvent écrit, il s’agit du premier pas fondamental dans les métiers du Web. Cette acceptation est un pas obligatoire pour adopter une démarche d’amélioration continue et de ne pas souffrir perpétuellement des imperfections inhérentes aux métiers du Web.
- Ne rêvez pas : Si vous ne voulez pas être déçu, n’attendez pas trop de la sortie de votre site, et préparez-vous à travailler sur la durée.
- Anticipez sur les mises à jour : séparez les contenus fondamentaux de ceux qui peuvent être publiés au fil de l’eau. L’impression que laissera un gros volume d’information ne sera jamais aussi bénéfique pour votre site qu’une publication régulière de nouveaux contenus.
- Limitez vos ambitions : planifiez les évolutions qui suivront la sortie du site, et si le projet vous semble trop lourd, déplacez des options prévues pour la première version vers des publications ultérieures.
- Soyez prévoyants : calculez le budget de votre site au long terme et intégrez les frais liés à son évolution ultérieure. Evitez la politique de l’autruche, dès la conception d’un cahier des charges, il est possible de détecter les postes de dépenses et de prévoir les ressources humaines destinées à faire vivre le site.
- Soyez prudents : rappelez-vous que chaque fonctionnalité, chaque rubrique, chaque contenu mentionné dans le cahier des charges de votre futur site engage des coûts dès qu’il est mentionné sur le papier, et que ces coûts ne seront dépensés effectivement que bien plus tard.
- Les standards, c’est pour vous, pas pour les autres : le respect des standards du Web, les bonnes pratiques qualité, les régles d’accessibilité ne sont pas que des contraintes, ils vont vous conduire à améliorer l’évolutivité de votre site. Vous allez faire des erreurs. Forcément. Les standards doivent notamment être déployés pour veiller à ce que ces erreurs soient faciles à rattraper et ne vous coûtent pas trop cher.
Voilà, après ces quelques conseils, bon courage pour la sortie de votre site. Si vous savez appréhender le jour J comme un jalon et non comme une finalité, vous ne serez pas déçu 😉
Bonjour,
Je vois souvent une expression dans les questions posées sur les forums, il y est fait allusion à un site qui sera bientôt terminé.
Mais qu’est-ce que c’est, un site terminé ?
Un site qui va s’endormir ? Un site mort à peine né ?
Ce n’est sans doute qu’une façon de parler mais cela me fait toujours un drôle d’effet !
Amicalement,
Monique
Qu’il est agréable de te lire Elie 🙂
Je le précise depuis un bon bout de temps déjà à tout prospect qui veut tout, tout de suite pour faire mieux que les autres (bien souvent à pas cher !) : « vous savez, la mise en ligne de votre site n’est que le début du projet ! ». Cela va de paire avec « l’internaute reviendra pour votre contenu et pour le service que vous lui apportez/apporterez ». Donc sur l’après mise en ligne.
Certains interlocuteurs en ont bien conscience, d’autres ne savent franchement pas où ils mettent les doigts (pour ne pas écrire « les pieds » car selon moi, sauf cas exceptionnel de déficience, il est tout de même difficile d’écrire sur un clavier avec les pieds…)
Notamment à l’heure de l’explosion des sites e-commerce où l’interlocuteur se voit déjà riche dans un an en regardant s’incrémenter les commandes virtuelles 🙂
bonjour,
Article d’une grande justesse…
On en redemande 😉
Comme d’habitude sur ce blog, bien exprimé et tellement vrai.
Surtout dans des milieux originaires de l’édition papier ! Et combien il est difficile d’éviter le relâchement post lancement d’équipes mobilisées, focalisées sur le jour J.
Un site est un projet sans fin, ce qui par définition est étrange, un projet étant justement supposé avoir un début et une fin.
Peut-être faut-il plutôt considérer 2 projets étroitement liés mais tellement différents, dans leur rythme et leur nature : la conception et la… « vie » du site. Pas évident, d’ailleurs, de nommer ce 2ème projet sans fin, « maintenance » me semblant trop restrictif ou peu valorisant. « Vitesse de croisière », « Production », : bof… Vous avez des idées ?
Dernier point :
« Anticipez les mises à jour » parait un peu faible : il s’agit dès le début de la phase de conception de se projeter dans l’avenir – dans la phase de production de contenus post lancement – pour s’organiser à la hauteur de ses objectifs.
@Muriel Gani> un « projet sans fin » auquel il faut imposer des étapes !
Par expérience je m’aperçois que toute direction et tout objectif affirmés dès la conception initiale d’un projet n’aboutit jamais à 100% ! Simplement parce que le projet vit, que les besoins évoluent, que certaines modes d’utilisation surgissent (et disparaissent parfois), que les échanges se font avec les lecteurs/utilisateurs… et que (normalement) l’équipe éditoriale et en charge du développement du projet en ligne en tient compte pour évoluer 🙂
Ce qui répond indirectement à votre seconde interrogation : la « vie » du projet est en fait son évolution et son amélioration progressive dans le temps.
Je dis toujours à tout le monde que d’un site web est un projet sans fin de cette manière éviter i jamais avoir un délai.
Chloe > Je ne pense pas que la réfléxion d’Elie est dans ce sens. Si le projet est sans réelle limite dans le temps, il n’en est pas exempt des étapes, étapes qu’il faut faudra d’ailleurs quantifier et surtout respecter, vous jouez votre crédibilité.
Parmi mes prestations d’audit SEO, je décortique un site dans ses moindres recoins.
Je veux bien entendre tous les arguments en faveur des développeurs, de la continuité, de l’imperfection, etc.
Sauf que la plupart du temps, j’observe vraiment du gros foutage de gueule et même de l’incompétence pure.
Je ne vais pas énumérer les énormités que je peux rencontrer, mais c’est quasi-systématique de voir des trucs qui me font juste bondir. On sent vraiment que les gars en ont rien à foutre – du moment que ça marche.
Le sentiment général est que la construction de sites Web est juste un gros bricolage fait par des bricolos.
Travailler dans les règles de l’art n’est pas la devise de la profession.