Nous intervenions récemment dans le cadre du colloque Kontinuum, dédié aux contenus dont le thème était, cette année, le pouvoir des mots. Il se trouve que cette question fait particulièrement écho à ce qui se passe dans le cadre des référentiels et de la pédagogie. Il nous est arrivé d’avoir des étudiants dans les formations à la qualité Web, qui nous disent en fin de formation qu’ils savaient déjà tout. Il leur arrive de nous dire – fort heureusement très rarement – « Vous ne nous avez rien appris car les bonnes pratiques sont évidentes, c’est du bon sens, tout le monde les connait ». Récemment, une étudiante d’une université nous écrivait : « En soi, ces règles et bonnes pratiques sont utiles et essentielles, mais elles sont aujourd’hui évidentes pour les nouvelles générations d’étudiants. » C’est assez frustrant pour des formateurs, car cela pose la question des apports pédagogiques réels. En réalité, quand on creuse un peu ce qui se passe dans ces formations, les apports pédagogiques consistent à faire cristalliser des idées déjà présentes, à les traduire en mots et en termes signifiants, à passer de l’implicite à l’explicite. Alors, oui, quelquefois, lorsque vous lisez une bonne pratique ou une définition, vous pouvez avoir l’impression de consulter des évidences. Mais elles ne deviennent des évidences que lorsque l’on les a énoncées. Les mots font exister la réalité. Ils rendent visibles des éléments qui sont quelquefois présents dans nos cerveaux de manière informe, non formulés, non rédigés, non structurés, non formalisés. Et ce n’est pas rien. Méfiez-vous des évidences, et faites confiance aux mots. Ils sont puissants.