Hier matin, j’ai vu passer un échange sur twitter à propos d’une des bonnes pratiques Opquast. La bonne pratique en question est la suivante : Le titre de chaque page permet d’identifier le site. En résumé, cette bonne pratique suggère que lorsqu’il est sur un site, un utilisateur a besoin de savoir sur quel site il se trouve.
Dans la discussion qui a suivi sur twitter, Nicolas Hoizey, l’un de mes amis, expliquait à un autre intervenant qu’il avait délibérément décidé de ne pas respecter cette bonne pratique sur son site personnel.
Celle-ci, je ne la respecte pas sur mon site perso, volontairement. Le contenu prime sur le site, dans mon cas.
L’URL suffit pour le site, si nécessaire.— Nicolas Hoizey (@nhoizey) December 20, 2017
La discussion qui a suivi sur twitter portait sur l’importance de cette information pour les moteurs de recherche.
En toute logique oui, mais il y a des moteurs de recherche et des réseaux sociaux avec lesquels ca ne va pas tarder à coincer en revanche (même si j'ai comme le sentiment que c'est pas ce qui te préoccupe le + ^^)
— Loiseau2nuit (@Loiseau2nuit) December 20, 2017
La discussion date d’il y a quelques mois et visiblement, l’argument moteur de recherche n’avait pas suffi à faire changer Nicolas de position.
Il se trouve que cette bonne pratique est l’un de mes exemples préférés et que je l’utilise très fréquemment en formation. J’ai donc décidé de mettre mon grain de sel.
Les contextes d’usage
Plutôt que de poser la question sous l’angle d’un usage spécifique (moteur de recherche, par exemple), j’ai décidé d’aborder le sujet en posant la question des contextes dans lesquels l’information est utile aux utilisateurs.
Le titre des pages, autrement dit le contenu de l’élément title
, est susceptible d’être perçu par les utilisateurs dans un certain nombre de cas :
- Affichage dans les pages de résultats des moteurs de recherche (SERP – Search Engine Page Results)
- Affichage dans les onglets de navigateurs
- Affichage dans les fenêtres de navigateurs
- Vocalisation par les lecteurs d’écran
- Envoi de liens sur les réseaux sociaux
- Envoi de liens dans les messageries instantanées
- Affichage de la liste de favoris
- Affichage de l’historique de navigation
- Enregistrement de la page sur un ordinateur.
Autrement dit, dans tous ces contextes, le fait de ne pas mentionner le nom du site peut conduire au fait que l’utilisateur ne puisse pas savoir sur quel site il se trouve, ou qu’il ait un peu plus de mal, ou qu’il mette un peu plus de temps à avoir cette information.
Les contextes d’usage
Une fois que ces contextes sont listés et portés à votre connaissance, vous êtes en capacité de prendre des décisions.
De notre côté, nous n’avons pas à décider pour vous en vous disant « faites-le ». Ce n’est pas notre travail. Nous pouvons simplement lister ces contextes et vous laisser prendre la décision de créer un élément title
solide, en connaissance de cause. Vous n’êtes pas des professionnels hors sol. Lorsque vous faites quelque chose, vous en mesurez les conséquences. Et vous avez parfaitement le droit de décider de ne pas respecter des règles, c’est même à cette capacité qu’on reconnait les meilleurs professionnels. Ils savent jouer avec les contraintes, les respecter ou ne pas les respecter.
Ce qui est beaucoup plus gênant, c’est de prendre des décisions sans en connaître ni en mesurer les conséquences. Et le problème, c’est que si vous ne connaissez pas les contextes, vous n’êtes pas en mesure de prendre des décisions éclairées.
Dans ce cas précis, et suite à notre discussion, Nicolas a réagi sur l’usage vocalisation par des personnes non-voyantes. Et il a décidé de s’occuper de cette bonne pratique sur son site. C’est simple, une fois qu’on a les informations. Ensuite, il a décidé, et ça c’est son affaire, il fait ce qu’il veut.
De l’autre côté de l’écran
Nous sommes face à l’un des principaux problèmes de la qualité Web mais aussi et surtout de l’accessibilité. Pardonnez-moi l’expression, mais les professionnels sont aveugles à tout un tas de contextes utilisateurs, à commencer par celui des personnes qui naviguent sans support visuel mais aussi de ceux qui ont des problèmes moteurs, ceux qui utilisent leur clavier, ceux qui n’ont pas confiance, ceux qui sont un peu déstabilisés par le numérique, ou ceux qui n’ont pas la culture que nous avons dans nos agences et directions du digital.
Nous passons notre vie avec nos petites certitudes, nos « chez moi ça marche », nos contextes utilisateurs supposés ou imaginés, notre perception faussée de ce qu’il se passe de l’autre côté de l’écran. Et en fait, nous ne voyons rien, nous ne savons rien, nous imaginons un utilisateur moyen, qui nous arrange bien pour réfléchir. Oui mais voilà, il y a une infinité de contextes et nous devons les connaître. Pour décider.
Ce qui nous motive
Notre enjeu immédiat est de faire en sorte que les professionnels du Web puissent exercer leur métier en connaissant les utilisateurs, les contextes et les usages. C’est une condition sine qua non pour que notre industrie et nos sites s’améliorent.
Nous avons effectué un travail énorme sur les formations initiales Web. Aujourd’hui, quand vous sortez d’une école Web, nous avons fait en sorte que vous soyez en mesure d’acquérir ces connaissances et ces compétences. Mais si vous faites de l’informatique, à l’exception de Telecom ParisTech qui nous a accueillis et qui est en train de devenir partenaire, les écoles d’ingénieurs produisent des milliers d’informaticiens qui ignorent tout de ce sujet. C’est dramatique. Vraiment. Si vous êtes étudiant et que votre école ne vous fait pas passer la certification Opquast, allez en parler à votre responsable pédagogique. C’est important.
Le deuxième problème concerne les professionnels en poste et les demandeurs d’emploi. Nous sommes en plein dedans, mais ce n’est pas simple, car la plupart croient avoir déjà ces compétences, tandis que beaucoup d’autres pensent que la qualité et l’accessibilité des sites web sont de simples questions de conformité technique. Mais en fait, à nos yeux, ce sont d’abord et avant tout des sujets liés au professionnalisme du secteur.
Le dernier point concerne les acheteurs de sites qui croient à tort que la qualité des sites Web est portée par les seuls prestataires, alors que c’est faux. C’est un sujet qui est aussi et SURTOUT porté par les maîtres d’ouvrage, les annonceurs, les contributeurs, les métiers. La meilleure des agences Web ne pourra pas produire un bon site pour un client qui n’a pas de contenus ou services.
Alors, voilà, au boulot. En connaissance de cause.