Voici la suite de ma réponse à David Latapie, concernant les différences entre qualiticiens et ergonomes. Dans un premier billet, j’ai présenté rapidement ces deux métiers. Dans ce deuxième billet, nous allons voir la façon dont ces métiers se déclinent sur le Web.
Le e-qualiticien, ou qualiticien des services en ligne
Le e-qualiticien s’intéresse aux référentiels web, aux labels de certification, aux processus de production de contenus, et à tous les outils qui permettent d’évaluer, d’améliorer ou de garantir la qualité des services en ligne. Il veille au respect des standards techniques, aux bonnes pratiques ergonomiques, de référencement, de production de contenus, de respect des standards d’accessibilité. Comme son grand frère qualiticien de l’industrie chimique ou automobile, les référentiels, normes, et standards sont essentiels pour lui. Le qualticien Web est encore une espèce rare, ce que j’explique par le fait que le moindre administrateur web a tendance à se propulser rapidement spécialiste de quelque chose 😉
Le e-qualiticien se doit quant à lui de connaître certes beaucoup de choses, mais rien en profondeur. Le e-qualiticien est un généraliste, qui doit pouvoir travailler avec des spécialistes et les aider à se comprendre. A aucun moment il ne substitue aux spécialistes, en tous cas pas plus que n’importe quel créateur de site qui doit quelquefois s’improviser spécialiste du référencement, ergonome, webmestre éditorial, ou développeur, alors que chacun de ces métiers nécessite une formation ou tout au moins une expérience considérable. Comme nous le savons tous, l’incompétence n’a jamais enpêché de produire un site web, et je le dis avec beaucoup d’humilité ;-).
Exemples :
Depuis quelques temps, de très nombreux chefs de projet Web commencent à assumer leur statut de généralistes, et introduisent l’utilisation de référentiels et de standards dans leur pratique professionnelle sans pour autant se faire appeler qualiticien. Je pense d’ailleurs en avoir formé ou éveillé un certain nombre à ces sujets 😉 Quant aux qualiticiens de l’industrie qui se seraient comme moi perdus en cours de route et ont décidé de se dédier aux standards et bonnes pratiques du web, je n’en connais pas beaucoup, mais attendez le développement de la certification de services en ligne qui se produira selon moi en 2009-2010, et vous les verrez émerger.
Le e-ergonome
L’ergonomie des sites web, voire plus généralement l’ergonomie logicielle consiste à veiller au confort du poste de travail informatique et à la qualité de l’interface homme-machine. Un ergonome va s’intéresser à la navigation, à l’utilisation sans fatigue, à l’intuitivité des interfaces, à l’architecture de l’information. Lorsque l’ergonome web s’intéresse aux standards techniques, c’est toujours à fin d’améliorer les interfaces et leur confort d’utilisation. Par exemple : pour un qualiticien, l’utilisation des feuilles de styles peut être un but en soi, alors que pour un ergonome, c’est un moyen d’homogéneïser une interface et de faire évoluer rapidement une présentation à des fins de tests ou d’amélioration.
Exemples :
En France, nous avons d’excellentes formations en ergonomie, qui comportent souvent une forte composante d’ergonomie Web. Je pourrais citer plusieurs de mes amis et collègues, comme Jean-François Nogier, Amélie Boucher, François Palaci, et j’en oublie certainement.
Conclusion
En conclusion, les métiers de qualiticien et d’ergonome sont de natures totalement différentes. Pour schématiser, le qualiticien est un généraliste, l’ergonome un spécialiste. Si vous aimez toutes les disciplines qui contribuent à la création d’un site web et que vous aimez les standards, les référentiels, vous êtes sans doute fait pour être qualiticien, ou tout au moins être un chef de projet motivé par les aspects maganement de la qualité web. Si au contraire vous êtes passionnés par un sujet particulier (référencement, ergonomie, utilisabilité, nouveaux services, vous êtes un spécialiste. Si l’architecture de l’information, le design web et les interfaces vous passionnent, choisissez l’ergonomie. Vous ne pourrez malheureusement vous improviser ni l’un ni l’autre. Les deux métiers demandent un bagage théorique minimum (méthodes, référentiels et dans les deux cas pas mal de psychologie et de rigueur). Si vous choisissez l’ergonomie, il y a fort à parier que vous aurez un jour ou l’autre besoin de travailler avec des qualiticiens. Et si vous choissez d’être un qualiticien, vous devrez tôt ou tard faire appel à des ergonomes.
Billets très interressants. Merci
Merci Elie pour ces réflexions qui relancent, chez moi, un problème existentiel : J’ai deux versions de cartes de visite. L’une intulée "Qualiticien", et l’autre "Ergonome" 😉
Je suis fondamentalement d’accord avec ta définition des métiers. L’approche "qualité" permet d’adopter une vision généraliste des critères de succès, là où l’ergonomie est nécessaire mais insuffisante. Je trouve que les définitions se compliquent dès lors que les ergonomes commencent à englober plus que l’aisance fonctionnelle. C’est toute la différence, sans doute, entre "utilisabilité" et "expérience utilisateur" (cette dernière notion étant plus large). L’approche holistique (tenir compte de tous les aspects de la réussite) est très à la mode. Voyez par exemple la "The User Experience Wheel" : userexperienceproject.blo…
A mes yeux, un bon chef de projet doit rester généraliste, mais capable de parler aux différentes professions (référenceur, graphiste, ergonome, programmeur, financier,…). Un tel chef de projet pourra, au besoin, se faire épauler par un qualiticien afin de structurer et normaliser sa démarche qualité.
C’est ce mélange de métiers et de cultures qui, personnellement, me passionne sur Internet.
Excellente analyse… merci!
Pour ma part, je suis très attachée au respect des normes d’accessibilité numérique, pour que TOUS aient accès à l’information diffusée sur la toile du web. Dans ce cas, nous nous présentons plutôt comme des e-qualiticiens.
En revanche, l’ergonomie est indissociable pour le confort et l’aisance de la navigation. Un handicapé mental ou un épileptique accédera plus facilement aux informations si celles-ci respectent certaines règles. Pour reprendre votre citation : "Un ergonome va s’intéresser à la navigation, à l’utilisation sans fatigue, à l’intuitivité des interfaces, à l’architecture de l’information."
Pour conclure, je pense que l’e-qualité et l’e-ergonomie doivent avoir obligatoirement une place importante dans le travail de conception d’un site Internet pour répondre aux besoins de TOUS les internautes.
Petit bémol, loin d’être négligeable. A ma connaissance, à moins de s’inscrire dans des établissements privés très sélectifs, tant par le prix, que par la rareté et la situation géographique, les aspects de l’e-qualité et l’e-ergonomie ne sont pas abordés ou alors que très superficiellement dans la filière relative aux métiers de conception de sites Internet. Ces deux aspects ne faisant pas encore partie officiellement du cursus universitaire, il est d’autant plus difficile de sensibiliser la clientèle aux respects de certaines règles…
A suivre !
@Jean-Marc : à vrai dire, j’ai pensé à toi tout au long de l’écriture de ce billet. En fait, je ne sais pas vraiment te classer dans la boîte ergonome ou dans la boîte qualiticien. Ca fait bien longtemps qu’en tant qu’ergonome, tu te penches sur les processus, et qu’en tant que qualiticien, tu te penches sur l’utilisabilité. Ton cas est d’autant plus désespéré que tu n’as rien trouve de mieux que de produire une ressource majeure sur l’écriture Web ( http://www.redaction.be ).
Ce que tu écris me confirme que tu es partisant du mélange, mais ce n’est pas donné à tout le monde 😉
@Vanessa : Au jour le jour, ces sujets ne semblent pas variment avancer, mais à l’échelle de 5 ou 10 ans, nous avons tous fait des pas de géant dans la sensibilisation. Et ce n’est que le début.
La première et la seconde partie de cet article contiennent chacune une coquille: « qualticien »